En observant les somites de poissons zèbres grâce à diverses techniques d’imagerie, les chercheurs ont constaté que la longueur s’autocorrigeait rapidement et s’équilibrait de part et d’autre du tube neural environ une heure après leur formation. « Nous avons aussi remarqué que seule la forme de ces petites proéminences changeait, sans modification du volume. Les variations en longueur sont compensées par des modifications en largeur et en hauteur », explique Sundar Naganathan. Forts de ces premières observations, les chercheurs pouvaient supposer que la tension de surface était à l’origine de ces changements. Cette propriété physico-chimique, commune à tous les tissus embryonnaires, est liée aux interactions moléculaires d'un fluide avec son environnement. Les molécules se trouvant à l'interface possèdent une énergie légèrement supérieure qui vise à garder la cohésion entre molécules identiques. Le système se modifie pour trouver un équilibre qui correspond à la configuration nécessitant une énergie minimale. L’aire de l’interface est donc réduite et la structure s’arrondit.
Des algorithmes d’analyse automatisés pour trier les térabits de données
Pour prouver que ce phénomène est bien en jeu dans la symétrie d’être vivants, Sundar Naganathan et ses collègues ont poursuivi leurs investigations par plusieurs expériences in vivo et in vitro. Ils ont par exemple mis en culture une certaine quantité de ces petits bourgeons qui se sont effectivement arrondis, comme les gouttes de rosée sur une feuille. Mais ce phénomène était-il suffisant à fournir les forces nécessaires pour rétablir la longueur ? Grâce aux perturbations induites à l’aide de protéines connues pour avoir un effet sur la tension de surface, les chercheurs ont montré que la longueur des somites pouvait être modifiée. Ils ont donc poursuivi leurs recherches avec des modélisations informatiques et des comparaisons et analyses entre les divers modèles, développant au passage des algorithmes d’analyse d’images automatisés afin de simplifier le tri des éléments essentiels dans des films de plusieurs térabits. « Nos résultats montrant le rôle de la mécanique tissulaire pourraient être appliqués aux systèmes organoïdes, où l’obtention de formes tissulaires précises reste encore un problème non résolu », explique le chercheur.
La tension de surface probablement à l’œuvre chez les autres êtres vivants
Tout concordait : « nous sommes donc arrivés à la conclusion que la tension de surface peut faciliter la correction des erreurs de longueur et de symétrie », souligne Sundar Naganathan. Cette recherche a été effectuée sur des embryons de poissons zèbres, mais « le fait que la tension de surface soit une propriété universelle pour tous les tissus en développement dans toutes les espèces permet de penser que ce mode de correction pourrait être également à l’œuvre pour les autres vertébrés », poursuit le chercheur.
Les scientifiques ne comptent pas s’arrêter là tant il y a encore de questions ouvertes sur les processus à l’œuvre dans notre développement symétrique. L’égalisation des volumes par exemple. L’étude a en effet mis au jour le mécanisme à l’œuvre pour l’égalisation de la forme et la symétrie, mais pour que les membres soient égaux de part et d’autre du tronc à la naissance, le volume des somites doit également s’équilibrer à un moment donné. « C’est notre prochain cheval de bataille », se réjouit le postdoctorant. Mais cette recherche ouvre encore bien d’autres questions intéressantes comme la manière dont se forment les organes symétriques relativement éloignés, comme les yeux ou les oreilles ou encore comment la symétrie du corps en général est coordonnée avec le positionnement asymétrique d’autres organes tels que le cœur et l’estomac.
Source EPFL : Article de Cecilia Carron.
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